Travailler l’argumentation en classe de FLE : obstacles et perspectives (Cas des apprenants à l’Université de la Princesse Noura à Riyad)

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المؤلف

Faculté des Lettres Université du Caire.

المستخلص

        L’argumentation est utilisée dans l’enseignement/ apprentissage parce qu’elle aide les apprenants à mieux s’exprimer en langue étrangère. Mais les études faites en didactique des langues ont permis d’affirmer que l’apprenant se trouve en difficulté pour engager une argumentation écrite ou orale. Les apprenants en général, maîtrisent mieux la description et la narration que l’argumentation, alors que celle-ci fait partie de notre vie quotidienne.
« L’argumentation fait partie de notre vie quotidienne (….). Chacun de nous, par ailleurs, à divers moments, en divers circonstances, est amené à argumenter, qu’il s’agisse de plaider sa cause, de condamner ou de louer amis, adversaires, hommes publics ou parents, de peser le pour et le contre d’un choix ou d’une décision. Et il est cible d’arguments développés par d’autres dans les mêmes contextes, sur les mêmes sujets »[1]
     L’argumentation constitue l’une des fonctions premières du langage et l’un des besoins de l’activité humaine. On a tous besoin de présenter nos idées, de défendre un point de vue, une opinion, ou un jugement. C’est un procédé essentiel qui fait appel à la communication, mais cette activité est d’autant plus complexe pour les apprenants surtout lorsqu’elle est menée en français langue étrangère. Quelles sont donc les difficultés qu’affronte le discours argumentatif ? Pourquoi l’apprenant est incapable de s’engager dans des opérations argumentatives ? Qu’est-ce qui empêche cette compétence langagière à être véritablement maîtrisée ? Comment les enseignants exploitent-ils l’argumentation dans la classe du FLE ? Qu’est-ce qu’ils font pour surmonter cette difficulté? Comment peut-on la rendre un moyen très efficace pour l’enseignement/ apprentissage?
Nous proposons dans cet article de relever et de discuter les facteurs qui encadrent ces difficultés. Notre expérience en tant qu’enseignante en Arabie Saoudite  pendant  5 ans  nous a permis de conclure que l’argumentation est une compétence complexe qui exige beaucoup d’entraînement de la part des apprenants afin de la maîtriser. En plus, elle nous fournira les éléments nécessaires pour répondre à la question suivante : Les manuels dispensés  actuellement dans l’enseignement  de l’argumentation en classe de FLE sont-ils aptes à former les étudiantes saoudiennes à la compétence argumentative ?

الكلمات الرئيسية


« Un enseignement qui n’enseigne pas à se poser des questions est mauvais. » Paul Valéry

     Actuellement, l’apprentissage d’une langue étrangère est devenu une réalité inévitable. La compétence communicative constitue l’objectif premier de l’apprentissage d’une langue étrangère, mais cet apprentissage ne peut fonctionner à vide. Il se nourrit et progresse des savoirs et des compétences. C’est pourquoi l’argumentation se trouve principalement comme un des moyens essentiels pour acquérir des compétences communicationnelles et linguistiques. Adopter et développer l’argumentation  chez les apprenants est l’un des moyens répondant le mieux à former des apprenants autonomes.

En effet, le rôle de l’argumentation dans les programmes d’enseignement en général est primordial et les ouvrages traitant de l’argumentation sont diversifiés. Cependant, il n’est pas aisé de mener à bien un enseignement  efficace de l’argumentation à un public de jeunes non-francophones surtout dans le cadre où s’inscrit notre  recherche. Plusieurs facteurs y participent. Des compétences linguistiques et intellectuelles s’imposent. Des acteurs principaux se présentent. Des manuels, des activités et des éléments socio-culturels interviennent dans la situation d’enseignement  en tant que facteurs favorisant ou bloquant l’acquisition chez les apprenants. L’enseignant et l’apprenant et leur rapport au savoir encouragent parfois ou affaiblissent ce besoin de dialoguer et de discuter.

Le but de cette recherche est d’illustrer ces éléments tout en utilisation l’argumentation comme stratégie d’enseignement/apprentissage en classe de FLE.  Nous nous intéresserons à l’étude du cas des apprenants saoudiens (uniquement des filles de 20 - 22 ans) de la 3ème année au département de français de la Faculté des Langues à l’Université de la  Princesse Nouraà Riyad qui est un établissement public (l’année universitaire 2014 -2015) et les difficultés qu’ils affrontent dans l’apprentissage de l’argumentation. Selon le cursus  suivi à l’Université de la Princesse Noura, ces étudiantes suivent une  année préparatoire de base comme initiation à la langue française, puis 4 ans d’études pour devenir traducteurs.

Notre enquête est basée sur l’observation, les résultats des tests annuels des  étudiants (production orale et écrite) et des discussions régulières avec des collègues - enseignants du même établissement. Notre  recherche propose donc d’analyser ces difficultés afin de maîtriser les outils, sélectionner les documents et choisir les textes et les exemples adéquats pour faciliter l’enseignement / apprentissage  de l’argumentation aux étudiants non-francophones.

L’enseignement des langues étrangères exige de multiples méthodes et stratégies pour transmettre l’information et former des apprenants capables de bien communiquer tant à l’oral qu’à l’écrit. La maîtrise d’une langue étrangère aide l’apprenant à  argumenter, à  développer ses compétences et ses habilités et à se construire une identité. Ainsi, Vignaux affirme : «  L’argumentation déconstruit, construit, reconstruit et transforme. » [1] Cette tentative vise à agir sur l’autre en cherchant à le convaincre ou à le persuader. Savoir argumenter, c’est donc justifier une opinion que l’on veut faire adopter, partager et surtout tenir un discours efficace. « L’argumentation est la manière de présenter et de disposer des arguments à l’appui d’une thèse ou contre celle-ci en vue d’obtenir l’adhésion par consentement d’un auditoire. »[2]

Pour faciliter l’enseignement / apprentissage d’une langue, les enseignants utilisent divers moyens pour aider les apprenants à parler, communiquer et s’exprimer. Les activités relatives à l’oral et à l’écrit sont variées. Le choix des supports et des documents authentiques n’est pas une chose facile pour l’enseignant. Le fait de rendre l’enseignement un moyen attrayant et motivant  est vraiment paradoxal.

     Les étudiants à l’Université Princesse Noura n’ont pas fait du FLE à  l’école primaire et secondaire d’où cette double difficulté dans  l’apprentissage de l’argumentation. Tout d’abord, les étudiants en Arabie Saoudite ne sont pas francophones et n’apprennent le français qu’à l’université ; ils ont donc de la difficulté à s’exprimer, à prononcer de nombreux sons et à construire des phrases correctes. Par conséquent, l’argumentation n’apparaît dans les modules pédagogiques que vers la fin des curriculums, alors qu’elle est complètement absente dans les modules de base durant les 2 premières années universitaires. Deuxièmement, pour ces étudiants arabophones, l’argumentation en français comporte des concepts et une terminologie difficiles à distinguer et à utiliser : convaincre, persuader, réfuter, démontrer, dissuader, défendre,  thèse,  anti- thèse, connecteurs, impact,…etc. En plus, les enseignants se trouvent parfois obligés  de l’aborder via certains modules tels que l’expression écrite et orale à l’aide des questions comme : Pourquoi l’auteur dit que… ? Est-ce que vous êtes pour ou contre ?  Est-ce que vous êtes d’accord ? Pourquoi ? Est-ce-que vous soutenez cette idée ? Qu’est-ce-que vous pensez de ce sujet ? Les étudiants sont par conséquent obligés d’utiliser pour la première fois des termes comme argument, thèse et antithèse sans les avoir réellement assimilés. En plus, le niveau linguistique de ces  étudiants reste  toujours « débutant » surtout que ceux qui souhaitent suivre des études de français arrivent à l’université sans connaître cette langue même en suivant les cours d’une classe préparatoire qui dure normalement un an. 

Des cours intitulés « Atelier d’écriture », « Lecture dirigée » et «  Acquisition pratique de l’oral » permettent d’enseigner  l’argumentation au département de français à la faculté des Langues et de Traduction en Arabie Saoudite. Cependant, l’argumentation semble difficile à enseigner et à apprendre dans la mesure où l’objectif de ces cours est d’apprendre aux  étudiants à raisonner, à synthétiser, à défendre et à réfuter une thèse avec des arguments adéquats et être capables d’aborder un discours ou tenir une discussion approfondie sur un sujet donné.  Pour ce faire, il est nécessaire de lire, écrire, résumer et analyser des textes argumentatifs variés.  Quel type de texte devons-nous choisir pour ces débutants? Quelle méthode faut-il adopter ? Quels énoncés faut –il expliquer ? Quels connecteurs pouvons-nous utiliser ?

Beaucoup d’énoncés ne permettent  pas d’établir les relations logiques entre les arguments, la thèse soutenue et la conclusion. Les  dialogues, et les exemples repérés dans les manuels proposés pour ces modules surtout Connexions, (méthode de français, Régine Mérieux & Yve Loiseau, Didier, Paris, 2004), Guide pratique de la communication, Alan Chamberlain &RossSteele, Didier, Paris, 1991)et Communication Progressive du Français, Claire Miquel, CLE, niveau intermédiaire, Paris 2003)ne présentent pas les caractéristiques nécessaires pour aborder l’argumentation d’une manière approfondie ou même satisfaisante ; c’est à l’enseignant de rechercher lui-même d’autres documents et d’autres textes qu’il peut utiliser dans sa classe et qui répondent mieux aux objectifs des cours et aux niveaux des étudiants.

En général, le choix d’un texte préparant à l’argumentation n’est pas facile surtout si le manuel universitaire ne propose qu’un certain nombre d’activités dans lesquelles les apprenants argumentent un conte, une situation d’un procès une B.D. , etc.

Ce choix pose donc un problème pour l’enseignant car ce type de texte a comme caractéristique l’enchaînement logique et « la tendance démonstrative »[3] qui cherche à prouver une idée et à convaincre le récepteur. Il privilégie aussi les connexions logiques : inductives et déductives à travers de nombreux connecteurs, les procédés du raisonnement, les techniques stratégiques du raisonnement : directes ou indirectes et des types de thèses à repérer : explicites et implicites comme outils d’analyse. Un étudiant de « niveau B1 sera incapable d’assimiler ces repères, d’argumenter ou de répondre à une argumentation bien construite  ou approfondie »[4]. Par contre, l’argumentation dans l’enseignement du FLE pour un apprenant de niveau C1 ou C2  sera plus facile à appliquer. L’apprenant pourra facilement comprendre ce qu’il lit, repérer sans effort les connecteurs logiques, les arguments pour et les arguments contre, résumer  et restituer d’une façon cohérente la thèse soutenue.

 

L’apprenant du niveau B1 sera capable uniquement de répondre à des questions simples et superficielles, ses connaissances lui permettant à peine de donner son opinion ou de se justifier par des phrases simples et courtes. L’argumentation n’est donc pas destinée à ces étudiants, une argumentation indirecte est difficile à atteindre. Les textes scientifiques et philosophiques représentent des sujets trop complexes pour ces étudiants. Les textes choisis des manuels de type : « Méthodes et techniques[5] » sont complètement sacrifiés dans cette classe bien que les dossiers consacrés à l’argumentation soient très bien élaborés avec des explications, des exemples et des exercices. Ces manuels pédagogiques sont destinés aux élèves français qui n’ont pas à se soucier du problème de maîtrise de la langue et les textes correspondent parfaitement aux niveaux C1et C2. L’enseignant a donc à sa disposition des dossiers pédagogiques et des textes parfaitement argumentatifs, mais il ne peut pas les utiliser pour ne pas décourager d’avance ses étudiants.

Nos étudiants saoudiens non francophones ne se familiarisent pas facilement avec l’argumentation et confrontent dans leurs études deux obstacles : la langue et l’argumentation.  Comment peut-on résoudre ces problèmes et trouver une solution qui réponde à l’objectif du cours : la pratique de l’argumentation ? C’est la raison pour laquelle l’enseignant se trouve obligé d’utiliser des outils spécifiques et de mettre en œuvre une « langue intermédiaire »[6] qui est le plus souvent l’anglais.

Tout d’abord, nous leur faisons apprendre en anglais les connecteurs et les termes clés de l’argumentation : thèse/antithèse, argument/ contre –argument et nous présentons ensuite leurs correspondants en français. Nous leur expliquons avec des exemples et des phrases le raisonnement logique et nous continuons avec des exercices sur l’emploi des connecteurs, des termes et des expressions nécessaires. Nous choisissons ensuite des textes à visée argumentative «  directe » et « explicite » notamment des argumentations et des sujets de leur vie quotidienne et sociale tels que « l’importance de l’internet », « le tabagisme », « le travail de la femme », « le droit de la femme de conduire »,… Ce travail permet aux étudiants de découvrir le vocabulaire français et les encourage à mener une discussion ouverte en classe. Le rôle de l’enseignant est alors de les aider à différencier les sens et à exprimer les points de vue positifs/ négatifs, valorisants/ dévalorisants, subjectifs/ objectifs, affectifs/ évaluatifs. Ce qui familiarise tout d’abord l’étudiant saoudien avec la langue étrangère et ensuite avec le texte argumentatif ses techniques et les indices de jugement. A ce stade, il arrive à  utiliser  facilement les connecteurs logiques et à distinguer entre les arguments pour  ou contre la thèse soutenue.

Le plus difficile pour nos étudiants est de repérer les arguments et la thèse soutenue dans un texte argumentatif. Ils les confondent souvent et n’arrivent pas à les distinguer et s’ils arrivent à les repérer explicitement, ils affrontent un autre problème, celui de reformuler les arguments de façon correcte. En plus, si l’argumentation est implicite, ils se perdent complétement et n’arrivent pas à identifier les arguments et se trouvent incapables de comprendre la cohérence et la dynamique de la relation argumentative que souligne Jacques Moescheler dans ses études sur l’argumentation. « Une argumentation consiste en une relation entre un ou plusieurs arguments. »[7]

Une autre difficulté provient du schéma argumentatif (c'est-à-dire le plan de l'argumentation) qui peut très souvent varier : le locuteur peut choisir de défendre sa propre thèse et de passer sous silence la thèse adverse ; il peut aussi commencer par réfuter la thèse adverse ou, à l'inverse, feindre de concéder certains points à la thèse adverse afin de mieux disposer le destinataire à accepter la sienne. Dans le cas où la thèse est un peu dissimulée, les étudiants n’arrivent plus à l’identifier.

     Le plus difficile aussi pour ces étudiants saoudiens non francophones provient de l’emploi des pronoms qui peuvent à des degrés différents révéler la présence du locuteur et/ ou celle de l’interlocuteur. L’indéfini « on » joue un rôle essentiel dans cette difficulté et provoque l’ambiguïté à cause de la diversité des emplois : une généralisation évoquée derrière ce « on ». Ce pronom exprime-t-il un « je ?», un «  nous ? », un « tu ? », un «  vous ? » ou un «  il ? ». Les étudiants se perdent avec cette diversité. Ce qui rend encore plus difficile pour eux la compréhension du texte argumentatif.

L’emploi des connecteurs présente aussi un obstacle pour nos étudiants. Les connecteurs logiques orientent le discours vers certaines opinions et répondent à des logiques parfois contradictoires, ce qui produit des difficultés d’apprentissage et d’application. Si nous consultons la liste traditionnelle des connecteurs dans les manuels de grammaire, à savoir addition, cause, conséquence, opposition,… nous trouverons que ces catégories comportent pour eux des difficultés variées et le plus souvent un blocage de compréhension. En plus, lorsqu’on demande d’établir une liste des arguments, les difficultés s’ajoutent. Les étudiants comprennent facilement  les connecteurs d’addition, mais confondent entre la cause et la conséquence. En  plus, si les connecteurs logiques présentent différentes fonctions, les apprenants se perdent et n’arrivent pas à découvrir une seule fonction argumentative et  dans ce cas, l’enseignant, pour ne pas les confondre, n’utilise pas la deuxième fonction du connecteur ou la néglige. Par exemple le connecteur «  aussi » marque l’addition et la conséquence. L’étudiant saoudien découvre facilement  une seule fonction de ce connecteur dans le texte et arrive à savoir qu’il sert à ajouter un élément (ex : il a aussi acheté des livres), mais il n’arrive jamais à l’utiliser pour exprimer une conséquence. De même, le connecteur  logique « comme » pose pour eux un grand obstacle. Ils arrivent à l’utiliser pour établir une relation de ressemblance, mais ils commettent beaucoup d’erreurs en  l’utilisant pour exprimer la cause.

Bref, les connecteurs les plus utilisés par les apprenants saoudiens sont les connecteurs qui ont un équivalent en arabe ou en anglais (mais, donc, parce que, et, à cause de). Ils préfèrent aussi les connecteurs courts et simples (d’abord, ensuite, enfin, donc, après, mais, car). Ils évitent de recourir à certains  connecteurs du type (comme, pourtant, par ailleurs, d’ailleurs, en outre, d’autant plus) afin de ne pas commettre d’erreurs.

En ce qui concerne les enseignants, le problème vient du fait que l’argumentation  n’est certes pas le but principal dans leur enseignement. Ils travaillent, à travers leurs activités en classe, des textes  qui  ne favorisent pas  l’entraînement à la réflexion et ne sensibilisent pas vraiment les étudiants à l’exploitation linguistique argumentative. Effectivement, le temps réservé à l’étude des opérations argumentatives est trop réduit pour une prise de conscience des relations logiques entre les faits (4 séances sur 12). En plus, le niveau des étudiants, les textes et les dialogues présentés dans les manuels utilisés n’incitent pas les étudiants à donner des appréciations personnelles plus développées  et n’encouragent qu’à des simples types de rédaction.

 L’entraînement à l’argumentation orale laisse encore plus à désirer. Dans les séances de la pratique de l’oral, les étudiants sont invités à lire à haute voix un texte court ou un petit dialogue pour s’entraîner à donner des opinions  ou exprimer l’accord ou le désaccord. Pour évaluer la langue parlée, le test oral destiné à nos étudiants est constitué de 2 parties distinctes : compréhension de l’oral via un travail d’écoute et production orale via la conversation orale devant l’examinateur. Ce dernier test nous a permis facilement de détecter les erreurs commises par les apprenants en essayant de faire une argumentation cohérente.  

Pourtant, les résultats du test oral nous ont montré la capacité des étudiants saoudiens pour l’apprentissage des langues étrangères (96% de réussite). Dans l’oralité, nos étudiants n’expriment jamais l’angoisse ou le manque de confiance. Le désir d’apprentissage renforce leurs idées et les intègre dans une situation d’échange qui  favorise la communication. C’est en écoutant les autres et en imitant leur professeur que les apprenants progressent et arrivent souvent à exprimer leurs points de vue. De plus, ils sont capables d’étudier  des thèmes qui correspondent à un besoin réel ou qui ressemblent à ceux dans leur vie courante. C’est la raison pour laquelle les enseignants adaptent leurs cours d’argumentation aux capacités d’apprentissage des apprenants pour les aider à réagir en prenant la parole.

Par contre, les séances de débat ou de discussions ne sont pas abordées de façon structurée. La place de cette activité est peu importante et le temps qui lui est réservé est très limité (2 séances /11). Or, l’argumentation est une compétence à acquérir avec le temps et nos étudiants n’ont pas assez de temps pour s’habituer à ce type de texte cohérent surtout à l’oral. Ils utilisent essentiellement l’argumentation pour prendre la parole et exprimer leurs réflexions personnelles à travers des verbes simples de type : (je pense que, je crois que, je comprends, j’aime, je déteste, et des mots de liaisons comme ( car, parce que, mais, oui, non), mais ils affrontent des obstacles pour  expliquer ou défendre un point de vue  ou rédiger ou prendre la parole dans un débat argumentatif bien structuré .

Bref, si nous visons une maîtrise progressive de l’argumentation, il nous faudra alors un entraînement systématique s’étalant sur plusieurs années, des outils didactiques au service des enseignants, des manuels portant sur l’argumentation et des contenus qui permettent de développer des objectifs fixés et des compétences d’autonomie. Ces compétences proposent aux apprenants de s’entraîner à :

  • prendre la parole au sein d’un groupe
  • dire ce qu’ils pensent
  • faire une argumentation cohérente
  • rédiger un texte argumentatif
  • repérer les connecteurs logiques dans un texte argumentatif
  • distinguer la thèse, les arguments, les exemples et la conclusion dans un texte
  • exposer des opinions et se justifier
  • savoir défendre son point de vue et rejeter la thèse de l’adversaire
  • analyser le fonctionnement et la structure d’un débat
  • identifier et soutenir des arguments dans un débat

 

Apprendre une langue étrangère surtout une langue complexe comme l’est le français pour les apprenants saoudiens, n’est pas chose évidente et la réussite ne s’obtient pas au cours des études universitaires. En plus, l’argumentation n’est pas seulement un savoir complexe mais aussi une activité qui nécessite un entraînement régulier. Un bon choix des manuels n’est pas suffisant à notre avis pour permettre l’acquisition efficace de cette  compétence.  Ces manuels, avec les lacunes observées précédemment ne peuvent pas assurer un enseignement  efficace de l’argumentation. De même le temps réservé aux activités liées à l’argumentation n’est pas suffisant pour s’entraîner d’une façon régulière à  cette compétence.

 

Notre travail de terrain nous a permis d’affronter ces problèmes, de chercher les raisons des  difficultés et de réfléchir pour améliorer la pratique pédagogique. Cette étude tente de prévoir les solutions efficaces tout en suggérant les moyens méthodologiques capables de surmonter les difficultés que rencontrent les apprenants en travaillant  l’argumentation au cours de leur apprentissage de FLE.

 

 

A notre avis, pour un enseignement /apprentissage réussi en langue étrangère, une prise en compte des caractéristiques linguistiques et langagières est nécessaire. Un aménagement du programme au niveau des contenus à enseigner et du temps réservé à l’argumentation est important.

Un enrichissement des textes et des documents destinés à l’argumentation est demandé. Le choix des activités qui facilitent la prise de parole et qui donnent de l’aisance, de la joie et du plaisir sont les moteurs d’un cours d’argumentation. Les activités argumentatives faisant appel à la communication motivent les apprenants et font apparaître leur intelligence, leur dynamisme et leur progression.

 

     Il est aussi important de ne pas retarder l’apprentissage du FLE  dans le cursus universitaire. Il est cependant préférable de l’apprendre à l’école et d’élaborer l’argumentation  dans la plupart des cours de français pour enrichir les exemples et développer les activités adéquates pour plusieurs niveaux. L’enseignement de l’argumentation ne servira donc pas seulement à l’enseignement du français langue étrangère, mais incitera l’apprenant à raisonner et à défendre des idées d’une façon correcte et cohérente.

 En effet, d’après notre expérience avec les étudiants saoudiens, nous pouvons confirmer que l’étude de l’argumentation en classe de FLE est  nécessaire. Elle contribue, malgré les difficultés, à susciter et à entretenir la dynamique des apprenants. D’autre part, c’est un moment privilégié permettant aux apprenants de s’exprimer librement et de s’habituer à prendre la parole.

 

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